Eurasia – Revue

Depuis une quinzaine d’années, une nouvelle idéologie politique a surgi dans la Russie post-soviétique. Bien qu’encore peu connue en Occident, cette doctrine s’est fortement développée et enrichie, se diffusant surtout parmi les élites russes mais aussi celles de « l’étranger proche » (principalement les républiques musulmanes anciennement soviétiques) et même en Europe, en Turquie, en Iran, etc. Cette nouvelle idéologie s’appelle l’eurasisme, et elle est inséparable de la figure de son fondateur, le philosophe et géopoliticien russe, Alexandre Douguine.

Le premier eurasisme fut fondé en 1920 par des intellectuels russes de l’émigration (N. Trubetskoy, P. Savitsky, N. Alexeiev, etc.). Ceux-ci affirmaient que l’identité russe était née d’une fusion originale entre les éléments slave et turco-musulman, que la Russie constituait un « troisième continent » situé entre l’Occident (dénoncé comme matérialiste et décadent) et l’Asie. Le livre-manifeste du mouvement était d’ailleurs intitulé Tournant vers l’Orient (Petr Savitsky, 1921). Les eurasistes se démarquaient des nationalistes classiques et des slavophiles. Sans être communistes, ils n’étaient pas opposés à l’expérience soviétique, qu’ils regardaient comme la continuation de l’idée impériale russe.

Le néo-eurasisme de Douguine reprend ces idées mais il va plus loin. Il élève la théorie de Mackinder qui oppose thalassocratie et tellurocratie, « île mondiale » (l’Amérique) et « terre mondiale » (l’Eurasie), à la hauteur d’une explication de l’histoire. La civilisation thalassocratique, anglo-saxonne, protestante, d’esprit capitaliste, serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne, orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste. L’Occident, là où le soleil se couche, représente le déclin, la dissolution. L’Eurasie représente la renaissance, c’est le pays des dieux, puisque c’est là que le soleil se lève. Le but déclaré du mouvement néo-eurasiste est de constituer un grand bloc continental eurasien pour lutter à armes égales contre l’Amérique, la puissance maritime « atlantiste », qui représente le « mal mondial » entraînant le monde vers le chaos. Ainsi l’eschatologie se mêle à la géopolitique.

Dans le contexte strictement russe, l’eurasisme est une sorte de troisième voie située entre l’orientation pro-occidentale ultralibérale et la nostalgie du passé communiste, tout en évitant les excès démagogiques du populisme extrémiste et du nationalisme étroit. Douguine définit lui-même son mouvement comme un « centre radical » et comme « le premier parti géopolitique ». Avec Douguine, l’eurasisme n’est plus une simple idéologie politique, c’est un système de pensée et une vision du monde.

En avril 2001, Alexandre Douguine a créé le Mouvement social politique pan-russe Eurasia, qui a donné naissance, en novembre 2003, à Moscou, au Mouvement international eurasien, conçu comme une ONG et représenté dans vingt-deux pays.

Alexandre Douguine a trouvé des relais en France depuis le début des années 1990. Il est venu à de multiples reprises dans notre pays où il a participé à de nombreux colloques. Ses principaux écrits ont été traduits dans notre langue et diffusés sous la forme de livres et d’articles. Certains sont même accessibles sur la toile.

Lancé par une équipe en contact avec Alexandre Douguine depuis près de quinze ans, Eurasia a comme ambition de présenter au public francophone, à un rythme semestriel, les idées du géopoliticien russe et des autres idéologues de l’Eurasie, ainsi que de tous ceux qui ont rêvé à un Imperium grand-européen (Thiriart, Niekisch, Yockey, etc.).

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