Daesh – Un Djihadisme des Temps Modernes…

L’auteur, Michael Guérin, analyse la naissance et le développement de l’organisation terroriste en abordant aussi bien son idéologie que sa stratégie militaire ou financière. Il souligne entre autres éléments méconnus, le rôle joué par d’anciens officiers du Baas issus du milieu carcéral – le fameux camp Bucca – dans l’émergence de Daesh, démontrant par là toute la complexité qui présida à la genèse de ce djihadisme des temps modernes.

Ce livre débute par un descriptif de l’implantation mondiale de l’organisation, révélant une présence de Daesh au sein de nombreux pays, avant d’analyser sa nature et son origine.

La « genèse » de Daesh, organisation islamiste ultra radicale, met ainsi en avant un aspect particulièrement singulier : la participation d’ancien cadres du nationalisme irakien et de confréries soufies dans la structuration du groupe djihadiste, courants en principe incompatibles avec la vision islamiste du monde.

L’auteur revient sur la chute des régimes autoritaires de la région – Libye et Irak principalement – qui constitue l’une des cause majeure de l’embrasement djihadiste ; l’idéologie de ces régimes, d’inspiration socialiste et « laïque » était en effet particulièrement répressive à l’égard de l’intégrisme islamiste.

Outre la « vision du monde » dogmatique et obscurantiste de Daesh, « Daesh un djihadisme moderne » traite de la stratégie mise en place par l’organisation djihadiste, qui s’oppose à ce que l’on observe habituellement au sein de la nébuleuse terroriste « classique » : d’où le terme de djihadisme « moderne »

Plutôt que de s’en prendre à « l’ennemi lointain » – le monde occidental – Daesh ambitionnait en effet de créer un véritable état doté de toutes les prérogatives souveraines dont le pouvoir de battre monnaie.

Dans cette perspective la main mise sur les ressources pétrolières fut la pierre angulaire de la stratégie de l’organisation djihadiste et l’une de ses principales sources de financement, aux côtés de la contrebande d’objets archéologiques.

Au sujet du financement de Daesh, l’auteur insiste sur la collusion entre terrorisme et criminalité internationale.

Mais comme son titre l’indique ce sont les implications géopolitiques qui constituent le noyau dur de l’ouvrage : l’apparition de daesh sur la scène internationale, et son développement fulgurant mu par une volonté de voir naître un « État islamique » sur le sol de l’Irak et de la Syrie, ont catalysé les rivalités existantes entre les différentes puissances étatiques.

Le théâtre des opérations militaires est ainsi devenu celui de l’affrontement entre deux visions géopolitiques :

  • Celle de l’Occident, mené par les États-Unis dont l’ambition hégémonique passe par l’établissement d’un « Grand Moyen-Orient » démocratique, sécurisant pour Israël,

  • Celle de la Russie, fondant son action diplomatique sur la souveraineté et l’intégrité territoriale des états, agissant ainsi en faveur de la multipolarité.

Michael Guérin en profite pour revenir sur une réalité géopolitique et stratégique parfois oubliée, à savoir le rôle moteur joué par les États-Unis dans le développement mondial du wahhabisme et du salafisme, que ce soit par leur alliance avec l’Arabie Saoudite ou l’instrumentalisation presque systématique des guérillas islamistes au sein de l’espace eurasiatique ; un chapitre est ainsi dédié au cas emblématique de la Bosnie.

L’Irak et la Syrie, avec l’apparition de l’état islamique, auront par conséquent été le lieu d’une conflagration révélatrice des différentes visions géopolitiques qui entendent façonner le monde : celles de « l’occident » et de la Russie principalement.

Les développements du livre tiennent néanmoins bien évidemment compte de l’intervention de certaines puissances régionales, qu’il s’agisse des pétromonarchies du Golfe, de la Turquie « néo ottomane » d’Erdogan ou plus encore de l’Iran, pays qui a largement contribué aux défaites militaires de Daesh.

Le dernier chapitre attirera particulièrement l’attention du lecteur puisqu’il envisage le « djihadisme » comme force de déstabilisation à l’intérieur d’un état, prenant pour exemple le cas français. Michael Guérin revient ici sur les figures et événements majeurs du terrorisme islamiste depuis le « gang de Roubaix » jusqu’aux filières actuelles ; pour l’auteur daesh ne peut que prendre le chemin de la « nébuleuse » (à l’instar d’Al-Qaïda) et devenir une enseigne sous laquelle agiront des individus isolés–loups solitaires–ou des cellules plus ou moins autonomes, pour lesquelles une jeunesse déracinée constitue le vivier idéal…

Enfin, sans qu’il ne soit question de « conspiration », terme à la mode, l’analyse ne peut que mettre en avant d’inquiétants dysfonctionnements dans la gestion de la menace terroriste : l’on apprendra ainsi que la plupart des « djihadistes » partagent un profil type, et que nombre d’individus impliqués dans les attentats de ces dernières années étaient connus et surveillés par les services de police.

Daesh – Un « Djihadisme » Moderne de Michael Guérin, Éditeur : AVATAR Éditions, Collection : RetEx est disponible IciCliquer.


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